"Double je"

Histoire d'une roue...

Mulhouse ville industrielle se souvient de son passé textile en déclinant chaque année son marché de Noël et la décoration des rues avec un tissu créé spécialement pour l’occasion.
Cette année il est somptueux, mais la grande roue installée sur la place de la Réunion face au temple Saint Etienne avec son clocher qui culmine à 100 mètres, cette roue en plein milieu du marché de Noël fait polémique et déchaîne les passions.
Peut-être faut-il y voir un symbole, l’histoire de la roue est liée à Mulhouse , la ville fut fondée sous la légende d’un moulin à eau et son blason représente une roue de moulin à eau.

Ou  y voir la dégradation symbolique du caractère de Noël ?

 Peut-être faut-il y lire un message, prendre de la hauteur au sens propre et figuré ?

 

crédit photo Dom Poirier

La proximité des choses parfois m'aveugle…

 

 
Je tremble au bout d'un fil dit l'étoile
si nul ne pense à moi,
je cesse d'exister.
(J.Supervielle)

 En ce temps  de l’Avent où les étoiles scintillent dans le ciel glacé et bientôt vont briller au sommet des arbres de Noël, je m'interroge sur celles qui allument une à une des lueurs d'espoir dans une nuit où nos rêves, nos désirs, nos espoirs sont les étoiles de nos vies.

La vie ne nous demande pas notre avis, elle est là présente dans nos peines,nos souffrances, nos peurs,nos égarements, nos joies, nos rires, nos partages, notre amour. Impossible de réécrire son histoire, mais l’interpréter autrement, modifier son point de vue, changer le regard sur son existence, apprécier d’être vivant, mettre de la gratitude dans son cœur, voir en toute chose aussi sombre soit-elle l’étincelle de lumière qu’elle contient.

Ce qui m’identifie, ce n’est pas mon clocher, mon minaret ou ma nationalité, mais mon humanité et mon cœur, c’est cela la vraie religion.
Redécouvrir que je peux passer du jugement à la compassion, de la vengeance au pardon, de l’envie à la joie, du paraître à l’être, du ressentiment à la réconciliation, c’est cela la route vers Noël,
c’est  peut-être cela avoir Noël dans les yeux.

 

Ailleurs...

 

 

Chercher sa voie, passer un cap, tracer sa route, perdre le nord, prendre le voile, comme d’autres prennent les voiles, toutes ses expressions relatives au voyage renvoient à des expressions existentielles.
Voyager pour s’évader ou partir pour se trouver ?
Loin des pesanteurs et des conformismes du quotidien, s’ouvrir à de nouvelles sensations et se découvrir.
Elle rêvait de voyages, elle aimait les voyages, tous les voyages, mais celui qui lui a laissé le plus de traces fut celui qu’elle fit  sur un divan. Etonnant que de noter que le terme est issu du mot perse diwan, racine également du mot  douane, douane  qui autorise l’accès à un espace étranger.
Le divan, lui, permet d’accéder à la part étrangère en soi, tous deux permettent de partir à la recherche de l’autre, et aussi de s’en libérer.
Elle croyait qu’elle allait faire un voyage, mais bientôt c’est le voyage qui la fit et la défit.
Depuis longtemps elle avait envie de mettre en mots ce voyage mais à chaque fois une étrange sensation la retint, alors elle reprenait ses cahiers pleins de ses impressions au retour d’une séance.
Elle se redécouvre, mais ne va pas plus loin, pourtant elle en a des choses à se dire, allez ce sera  pour une autre fois.

Ailleurs !

crédit photo ici

Lettre…et le Néant…

 

Nostalgie de ces lettres manuscrites qui sentent bon le temps passé à choisir le mot juste, le bon papier, la bonne couleur. Je leur trouve un je ne sais quoi indéfinissable. Et puis l’adresse sur l’enveloppe, mon adresse, preuve que j’existe réellement.
Vieille habitude que celle de guetter le passage du facteur, souvenir d’enfance quand je recevais lors de mes longues vacances au bord de la mer une lettre de papa qui se terminait avec plein de baisers.
L’adolescence et sa période de cartes lues et relues le cœur battant, les réponses sur papier, bleu, rose, blanc, à fleurs...
Les premières lettres d’amour, celles attendues le ventre noué, le cœur palpitant, enveloppe que l’on hume, puis ouvre fébrilement, découverte des mots .
Lettres reçues comme un cadeau. 
Le temps  des attentes vaines,des lettres que l'on ne reçoit plus, sans raisons apparentes, découvrant beaucoup plus tard ce que cela cachait comme tragédie.

Oh le facteur dépose encore du courrier mais la plupart du temps ce sont les lettres de Mon trésor public ou de ces fausses intimités des relances de vente par correspondance.

Aujourd'hui en trois clics les courriels envoyés remplacent l'attente de l'enveloppe, courriels tous au même format, même écriture, mots aussitôt dits, aussi vite niés, clic qui ne remplace pas le bruit délicieux de l'enveloppe qui s'ouvre.
Sommes-nous devenus si frileux, tellement absorbés à protéger notre petite vie privée que nous n’échangeons même plus nos adresses ?
Pour retrouver ce bonheur de lire, il m'arrive d'ouvrir une grosse boîte "correspondance"et de relire les lettres  et cartes reçues où souvent figurait simplement :
 Ce soir je pense à toi , je t'aime, ou quelques mots d’amitié, une pensée chaleureuse d’un  séjour ou d’un voyage.
Maintenant ce ne sont plus que des mails échangés. Nostalgie du passé ? Non.
Une vraie lettre, une carte, sont de l'amour, du bonheur que l’on offre à l’autre pour le prix d'un timbre.
Vite, c'est l'heure du courrier, on ne sait jamais !
Et si une enveloppe peu importe sa couleur m’attendait dans la boîte aux lettres !!!

 

Plénitude...

 [...]Une fois de plus, j'ai côtoyé une vérité que je n'ai pas comprise.
Je me suis cru perdu, j'ai cru toucher le fond du désespoir et,
une fois le renoncement accepté, j'ai connu la paix.
Il semble à ces heures-là que l'on se découvre soi-même
et que l'on devienne son propre ami.
Plus rien ne saurait prévaloir contre un sentiment de plénitude qui satisfait en nous
je ne sais quel besoin essentiel que nous ne connaissions pas[...]

[...]L'essentiel, nous ne savons pas le prévoir[...]

[...]Que savons-nous, sinon qu'il est des conditions inconnues qui nous fertilisent ?
Où loge la vérité de l'homme ?
La vérité, ce n'est point ce qui se démontre. Si dans ce terrain, et non dans un autre,
les orangers développent de solides racines, et se chargent de fruits,
ce terrain-là c'est la vérité des orangers.
Si cette religion, si cette culture, si cette échelle des valeurs,
si cette forme d'activité et non telles autres, favorisent chez l'homme cette plénitude, délivrent en lui un grand seigneur qui s'ignorait, c'est que cette échelle des valeurs,
cette culture, cette forme d'activité, sont la vérité de l'homme.
La logique ?
Qu'elle se débrouille pour rendre compte de la vie[...]

Antoine de Saint-Exupéry , in Terre des hommes
p, 158/159 folio 21

Insoutenablement légère...

On se réveille, on lit le journal devant un café ou un thé c’est selon, les nouvelles sont lourdes, tragiques, révoltes, émeutes, guerres, crises économiques, tremblements de terre, affaires peu glorieuses de mœurs, harcèlements de toutes sortes.
Comment faire face à ces écrasements ?
Avancer à tâtons dans cet espace mouvant qu’est l’existence ou tout est absurde et important. Y cueillir un peu de plaisir, s’y déplacer avec légèreté en laissant la gravité aux évènements. Vivre légèrement  avec élégance, en ne retenant rien dans ses mains, en n’imposant pas ses vues, en ne croyant aucune promesse.
* « Il y a des idées qui sont comme un attentat »
Tant pis si la légèreté à mauvaise presse, si on la tient pour une démission et la réduit à la désinvolture, pire à l’inconstance.
Elle seule (la légèreté) permet d’atteindre l’autre rive en traversant le gué sans se laisser emporter par les courants.

*« L'histoire est tout aussi légère que la vie de l'individu, insoutenablement légère, légère comme un duvet, comme une poussière qui s'envole, comme une chose qui va disparaître demain. »

* Milan Kundera in, L’insoutenable légèreté de l’être

 libre adaptation de Nos vies légères de Sylvain Tesson

Leitmotiv

En parcourant les venelles d’Uzès …

 

 

“Eclaire ce que tu aimes sans toucher à son ombre… “

Christian Bobin

Vivez Madame...

Devenir irremplaçable dans le regard de l’autre, se sentir exister, naître,
renaître c’est ce que nous attendons de l’autre,
c’est la grande joie de l’amour,
se sentir justifier d’exister.
C’est exactement cela que dit Assuérus quand *Esther s’évanouit devant lui
alors qu’elle va lui avouer qu’elle est juive .

“Vivez Madame”

Nicolas Poussin , Esther devant Assuérus, 1640
Musée de l’Hermitage, Saint Petersbourg

* Esther de Jean Racine
acte deuxième scène VII

Février...

Mois de la chandeleur, de la Saint Valentin,
mois pour dire qu’il n’y a :

 

Jamais assez d’amour…
Jamais assez pour compenser les haines, l’intolérance,
les mesquineries d’où qu’elles viennent !
Jamais assez d’amour pour remplir ce grand creux de l’origine,
ce déchirement du premier souffle…

 

Là-bas...

 

-Qu’est-ce que vous allez chercher là-bas ?
 -J’attends d’être là-bas pour le savoir.

            André Gide

Bon week-end !

 

extrait de Voyage au Congo
crédit photo Alain Sèbe

Rencontres...

Des regards, des pas, des silhouettes, des ombres que l’on croise
et puis un jour
on les regarde autrement, vraiment .
Un sourire, trois mots échangés, le temps de la rencontre,
découverte de vies différentes des nôtres, des vies pas comme les autres,
mais portant en elle une richesse que cachait le décor et la rumeur de la rue.
Il en va ainsi pour chacun d’entre nous.

 

 crédit photo © 2011 - Thomas Salva  - www.brevesdetrottoirs.com

cinquantre trois minutes...

- Bonjour, dit le petit prince.
- Bonjour, dit le marchand.
C’était un marchand de pilules perfectionnées qui apaisent la soif.
On en avale une par semaine et l’on n’éprouve plus le besoin de boire.
- Pourquoi vends-tu ça? dit le petit prince.
- C’est une grosse économie de temps, dit le marchand.
Les experts ont fait des calculs.
On épargne cinquante-trois minutes par semaine.
- Et que fait-on des cinquante-trois minutes?
- On fait ce que l’on veut…

Moi, se dit le petit prince, si j’avais cinquante-trois minutes à dépenser,
je marcherais tout doucement vers une fontaine…

 

Antoine de Saint Exupéry, in Le petit prince
chapitre XXIII

 “Qu’est-ce donc le temps ? si personne ne me le demande, je le sais; mais si on me le demande et que je veuille l’expliquer, je ne le sais plus.”
Saint Augustin

crédit photo C.Moirenc

Quand je te demande de m'écouter...

 

Quand je te demande de m’écouter et que tu me donnes ton avis, tu fais autre chose que ce que je te demande.

Quand je te demande de m’écouter et que tu m’interromps pour me déclarer qu’il est inutile d’aller plus loin, que tu as déjà tout compris, tu me prouves que tu n’as rien compris ou que tu préfères ne rien comprendre.

Quand je te demande de m’écouter et que tu t’empresses de me dire que tu n’es pas d’accord avec ce que je ressens, tu me montres à quel point tu fais fi de ce que je vis en ce moment.

Quand je te demande de m’écouter et que tu te mets à me raconter longuement que tu as vécu ça toi aussi et que tu t’en es tiré, tu inverses les rôles ? Non seulement tu prends toute la place, mais tu m’enfonces davantage dans ma hantise de ne pas m’en sortir.

Quand je te demande de m’écouter pour te dire combien j’ai mal, fais-moi grâce de la pire des réponses : celle qui consiste à me faire croire que ce n’est rien ou que ça va passer.

Quand je te demande de m’écouter, pourquoi me poser tant de questions ? Ce qui peut m’aider, c’est de te dire ce que j’ai besoin de dire et non pas ce que tu as envie d’entendre.

Quand je te demande de m’écouter, ne te laisse pas déconcentrer par la préparation d’une réponse. Je n’ai pas besoin de réponse, seulement d’une écoute.

Quand je te demande de m’écouter…

Simplement écoute-moi !

Seul...

On est seul avec tout ce que l’on aime.

Novalis, in Fragments
Editions José Corti

Un café s'il vous plaît...

Un café s’il vous plaît…

C’est l’heure des retrouvailles entre copains, rendez-vous pris au bar du coin, on se serre au comptoir. L’heure animée de l’apéro. Bruit des tasses qu’on lave. Choc de la tasse de café qu’on vide de son moût avant de la remplir. Demis qui moussent, bouchons qui sautent.
Bruit, beaucoup de bruit, dix, vingt conversations se croisent, s’entremêlent, à la radio une chanson dont on a du mal à comprendre les paroles dans tout ce vacarme, les mots ne s’envolent plus dans les volutes de fumée.
Pénètre dans le bar un homme  handicapé, encore jeune, souriant, deux béquilles, une jambe quasi inerte. Il a  beaucoup de mal à se déplacer. Accident de moto. Mais son sourire !
Salut, ça va ?
 Super ! dit-il en élargissant son sourire. Un café s’il vous plaît !
Un peu plus loin on peut entendre
“Tu vois, nous qui nous plaignons tout le temps, mais nous pouvons marcher.
Lui il ne marche pas, mais il a l’air heureux… “
Voilà qui vaut tous les cafés philo.
A la radio Christophe chante “les mots bleus ”

Recommencer sans cesse...

Faut-il que soit sans cesse à recommencer

Ce qu’on cherche et n’arrive jamais à saisir ?

Louis-René Des Forêts

C'est presque moi...

Je visite de manière irrégulière quelques blogs de psy, ces médecins de l’âme…
Lu récemment ce qui suit sur celui du* psychiatre Christophe André.

J’ai bien aimé moi aussi « ce presque moi » !

 

 Entendu l’autre jour ce message sur le répondeur téléphonique d’une amie :
«Bonjour, c’est X. Enfin, presque… Laissez moi quand même un message.»
J’aime bien ce «enfin presque».
La voix et l’accueil sont là, pas la personne.
Comme les mails ou les SMS : ce sont des échanges d’informations auxquels
il manque tout le non verbal du face-à-face.

Donc : presque des communications.

En tout cas, ça m’a bien plu ce petit «presque» qui m’a fait sourire et réfléchir.
C’est décidé, je vais changer le message de mon répondeur.
Ce sera désormais :

«Bonjour, c’est presque moi !»

 

crédit photo

*psychiatre à l’hôpital sainte Anne Paris

Cale sèche...

 

Les mots sont des cargos, le blog les véhicule, et sait faire le plein de leur cargaison, parfois les mots comme les cargos sont en cale sèche.
Alors il faut des mots puzzles pour aider à porter les fardeaux trop lourds sur nos épaules pour parcourir les voies nombreuses et sinueuses de la vie,
jusqu’à l’arrivée à  destination.
Mais où allons- nous ?

 

crédit photo

Fascination...

Beauté…

“En disant …que la beauté est idée,
nous voulons dire par là que beauté et vérité sont une seule et même chose”

Georg Wilhelm Friederich Hegel in, Esthétique

 

Entre deux mots, deux souffles, arrêt sur image, instant suspendu,comme un indice, une promesse, évidente et obscure, l’innocente perversité de la beauté.
Fascinante, au pouvoir étrange, qui montre et cache en même temps,et nous convoque comme jamais,tout entiers, nous divertissant de nous-mêmes.
Beauté qui nous fait vivre de sens, d’émotion, de vérité.

Emotion esthétique…
Conception de l’existence…

Poussière lumineuse des nuages, beauté d’un ciel après l’orage, jeux de couleurs, de formes sur une toile, beauté d’une fleur, d’un visage, d’un corps, d’une mélodie,quelques notes sur une partition, quelques croches noires en équilibre sur des lignes.
Beauté fascinante qui fait diversion,qui nous touche en profondeur comme une promesse de bonheur .

La vie est un long voyage de vérité...

Homme qui marche ,1960
Alberto Giacometti, Fondation Maeght