" Le Pont Charles"
Ma manière de rendre hommage à Vaclav Havel "îcone de la révolution de velours", dramaturge, avec cette balade sous la brume dans
cette ville où je fis un séjour au cœur d’un hiver et dont Rainer Maria Rilke disait :
" Prague, ce riche, ce gigantesque poème épique de l’architecture"
Située au cœur d’une Europe retrouvée, Prague n’a jamais cessé d’être une capitale magique, onirique, irréelle, en dehors du temps.
Elle inspire la poésie, se promener dans cette ville c’est s’attendre à tout. A toute vision, à toute rencontre, à tout enchantement. Ensorcelante elle prend à la gorge et laisse sans voix, on ne sait même pas à quoi cela tient.
Prague c’est une femme fleur aux yeux de démone, ange et démon en quelque sorte.
C’est au crépuscule, la tombée du jour lui va si bien, qu’il faut arriver à Prague.
Alors les ponts sur le fleuve Vltava s’emboîtent et s’enchevêtrent par un curieux effet d’optique avec l’aide d’un soleil rasant dans les arches. Les lampadaires viennent de s’allumer sur le Pont Charles et les statues de grès noir se découpent comme les personnages énigmatiques d’un théâtre d’ombres. Fantastique allée d’honneur où l’on passe d’une rive à l’autre. De Stare Mesto la vieille ville à Mala Strana, le petit côté coincé entre la colline et le fleuve. On a l’impression de marcher dans des couloirs à ciel ouvert d’un immense musée.
Rien que des ruelles, des venelles, des galeries, des traboules, des passages…
jusqu’à ce que s’ouvre sombre et inquiétante l’immense place de la vieille ville. Les tours noires et effilées d’un château à la Louis II de Bavière s’élèvent dans la nuit d’encre.Mais il ne s’agît pas d’un château. C’est la cathédrale Notre Dame de Thyn le plus important édifice gothique de la ville.
Les maisons bordant la place composent un ensemble de décors de théâtre. Tous les genres, toutes les couleurs s’y confondent. Baroque, Rococo, Renaissance, Gothique, Art Nouveau jusqu’au Jugendstill allemand.
Ici le fantastique devient tout naturel, il en est ainsi de cette villedéroutante et extravagante où Kafka vécut toute sa vie et où seule
"La métamorphose" fut publié de son vivant.
Aux premiers rayons de soleil, Prague retrouve l’éclat qui la qualifie
de " Ville dorée"
Symbole du printemps de Prague, la place Wenceslas annonce les premières marches de la ville nouvelle. Et ce jour fatal d’août 1968 qui vit arriver les chars soviétiques sonna le glas à « l’insoutenable légèreté de l’être ».
Puis il y a ce quartier qui ne sera intégré à la ville qu’au XIXème siècle et qui atteste de l’importance de la communauté juive dès le moyen Age, le ghetto Josefov. Lieu émouvant avec son cimetière et son petit musée où les dessins des enfants sont éloquents sur le drame qui s’est joué là.
J’allais oublier le Château, citadelle toisant la ville, inquiétante, énigmatique et paraissant inaccessible comme dans le roman de Kafka. La cathédrale Saint Guy et les splendides vitraux de Mucha.
Mucha que l’on retrouve aussi à la Maison municipale de style art nouveau, son café littéraire aux lustres de cristal, sans doute la plus luxueuse maison de la culture du monde.
L’hôtel Pariz autre merveille du même style (dommage que les chambres soient beaucoup plus quelconques, du moins celle qui m’hébergea durant mon séjour).
Comment ne pas évoquer les fantômes de la vieille ville?
Celui de Kafka, celui de Mozart qui arpentait les mêmes rues en galante compagnie, les notes de Don Giovanni en tête.
Celui de Mahler qui dirigea ici la septième symphonie,
celui de Beethoven qui fit de nombreux séjours dans cette ville, celui de Smetana et son poème symphonique "la Moldau…"
En tendant l’oreille, on peut percevoir quelques accords.
D’où viennent-ils ? D’une fenêtre ? D’une église ? Du fleuve ?
Ne dit-on pas que la vie des Tchèques est dans la musique.
J’ai terminé mon séjour en allant à l’Opéra où se jouait « L’élisir d’amore » de Donizetti.
Je resterai toujours prisonnière des sortilèges de Prague.
Presque dix huit ans séparent mes deux photos, j'ai retrouvé le foulard de soie que je portais ce jour là dans l'ambiance feutrée et hors d'âge du café Europa, ambiance musicale au son des violons tziganes devant un délicieux chocolat chaud.
"Ballotté, manipulé, automatisé,
l'homme perd peu à peu la notion de son être" Vaclav Havel
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