Elle est trop belle. Etrange.
Est-ce qu’on la boit, est-ce qu’on la mange ?
Elle est comme une fausse piste du désir.
Le rouge-rose de cette chair meurtrie, évanescente et gorgée d’eau, vient mourir en pâleur maladive au bord de la solide écorce vert profond. Au centre elle est si sombre, incrustée de grains inquiétants d’un noir ébène, pépins ou fers de lance empoisonnés.
Comment peut-on être si lourde de tant de rien impudent, magnifié ?
La pastèque n’a goût de rien, et c’est donc elle qu’on désire en vain.
Elle est la perfection de son mensonge.
Elle allume tous les regards, conjugue impudemment la moiteur, la fraîcheur.
On sait d’avance qu’on ne pourra la posséder vraiment.
Son goût est transparent.
Elle n’est qu’un mirage de la chaleur de l’été.
Extraits assemblés du « Mensonge de la pastèque »
de Philippe Delerm in,
"Les eaux troubles du mojito" et autres belles raisons d'habiter sur terre.