La neige tombe, le ciel est chargé, la campagne environnante s’habille lentement en couleur de lumière, le feu danse allègrement dans la cheminée, plaisirs qu' accompagnent la lecture de
" la douleur " d’André De Richaud.
Jamais je n’aurais connu cet auteur sans Jean Grenier ,qui le donna en lecture à Albert Camus, qui d’après les biographes lui donna l’envie de devenir écrivain.
"Je le lus en une nuit, selon la règle et, au réveil, nanti d'une étrange et neuve liberté, j'avançais hésitant sur une terre inconnue. Je venais d'apprendre que les livres ne verraient pas seulement l'oubli et la distraction… Il y avait une délivrance, un ordre de vérité où la pauvreté, par exemple, prenait tout à coup son vrai visage. La Douleur me fit entrevoir le monde de la création."
Albert Camus
"La douleur " fit scandale lors de sa parution en 1931 comme le fut
" Le diable au corps" de Radiguet . Les deux romans ont un point commun, une histoire de guerre et d’adultère, circonstance aggravante, c’est d’un prisonnier allemand que s’éprend Mme Delombre, veuve d’un officier français tué au front…
La douleur évoquée par le titre n’est pas une douleur morale, c’est celle qui entraîne les pulsions inavouables et les fantasmes combattus.
" Lorsqu’elle voyait un homme, elle ne pouvait s’empêcher d’imaginer son sexe. Elle ne pensait qu’à l’amour, qu’aux gestes de l’amour, qu’aux douleurs de la passion. Elle aimait éperdument. Une seconde jeunesse la saisissait (…) Elle aurait voulu pouvoir se confier à quelqu’un, demander des conseils… Tout le monde semblait ignorer, dans le village, le mal dont elle souffrait. Pourtant, ces jeunes femmes dont les hommes étaient partis se battre, comment faisaient-elles? "
Aussi fort que Zweig (La peur) dans l’analyse des comportements, (je viens de lire* "Légende d'une vie" superbe pièce en trois actes) dans la fouille de ses personnages, cette analyse audacieuse d’une obsession de la chair parle plus fort que les sentiments sous lesquels elle tente de se dissimuler.
A lire sans modération,la chute est vertigineuse, c’est prenant, terrifiant, et si bien écrit !
" Je ne connais pas André De Richaud. Mais je n’ai jamais oublié son beau livre, qui fut le premier à me parler de ce que je connaissais : une mère, la pauvreté, de beaux soirs dans le ciel. Il dénouait au fond de moi un nœuds de liens obscurs, me délivrait d’entraves dont je sentais la gêne sans pouvoir les nommer "
Albert Camus, (Rencontres avec André Gide.)
"La douleur", André De Richaud, Les cahiers rouges, Grasset
*"Légende d'une vie" Stefan Zweig ,Théâtre inédit, Grasset
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