Je regarde tomber le soir sur la mer sereine. Comme les autres jours, des dizaines de barques en file indienne, passent le long de la côte en laissant un sillon d'argent dans les eaux bleues. Toutes pareilles, elles semblent faites par le même charpentier et peintes par le même peintre. Peu à peu elles s’éloignent jusqu'à la nuit tombée, et là-bas, au loin, au fond de l'horizon, lamparos allumés, forment une ligne magique lumineuse. et je trouve la paix dans cette constance des formes, ce rituel du travail, cet écoulement des heures. dans l’égoïsme du confort ressenti, j'oublie même que le spectacle que je contemple, émerveillé, a comme réalité ultime la vie luttant avec la vie pour la survie. Me fuyant moi-même une fois encore, je m'absente des duretés du monde et cède aux tentations du divertissement.
C'est très difficile d'être un homme à plein temps.
Miguel Torga
En chair vive (extrait)
Nicolas de Staël
Barques dans le port 1955