Les phrases sont de la même étoffe que la mer, tissées par le même mouvement de navette qui trame le proche et le lointain, commençant, finissant toujours, sur la page pareille à la côte où le large reprise ses ourlets.
Les mots me viennent par vagues.
Ils voudraient dire des choses que je ne maîtrise pas.
Ils tâtonnent ils palpent le vide et tout à coup s’enfièvrent pour une image qu’ils ont prise pour la vérité. Je m’y abandonne aux courants de lumière et de vent. A vrai dire j’y cherche tes lèvres.
C’est une déjà vieille habitude, cette fièvre lyrique qui titube et se cogne aux portes.
Là où personne ne vient répondre, je fabrique une voix d’amour destinée à mon propre cœur.
Bouchoreille de la page blanche : ton oreille en forme de bouche…
Ces mots sont pour la soif…
Ainsi je peux y boire.L’eau du puits ou l’eau de la mer.La plus enfouie ou la plus vaste.
Celle qui dort ou qui remue.Toutes les deux observent le ciel.
C'est ici la dernière cérémonie. Je lève mon verre face au grand large.
A la santé des noces et la mémoire des deuils...
Ecrire est le seul rite. Le soin des adieux, des bonjours.
Ce qui s'en va ressemble à ce qui vient. Nous ne pourrons rien retenir.
Il faudra bien tourner la page.
Jean Michel Maulpoix in, "L'instinct du ciel"
Il est des mots qui trouvent écho, des mots que j'aurais aimé écrire, des mots qui ne cessent par vagues de me rejoindre venus non pas pour se donner mais pour me contraindre à entendre quelle bizarre condition est la mienne, vouée aux rivages,lorgnant toujours vers le grand large.