Edward Hopper "South Carolina morning" 1955
Sur la photo elle portait une robe rouge...
Elle est là, ses pensées la transportent en elle-même, elle essaie de
retracer le voyage sur le papier, en écrivant lentement elle laisse les
souvenirs remonter à la surface de la page blanche, elle pense à tous
ces êtres qu’elle a aimés, ils sont un morceau d’elle, soudain les voici
ombres, s’éloignant dans le bleu .
Tout se délie, se dilue, se délite, c’est sûrement dans l’ordre des
choses sans quoi chacun de nous mourrait de son premier chagrin d’amour,
à sa première blessure, à sa première trahison.
Naître pour mourir et mourir pour renaître, à la fois superbe et
effrayant, sur cette ambivalence couleur de désarroi, les religions
raflent la mise.
Quelque chose se rejoue, qui fait trembler, on enrage, on s’émeut, on perd courage, on n’a pas demandé à naître.
Elle préfère oser de son vivant plutôt que la promesse d’un après, mais
tout va trop vite. Elle sait qu’on ne trouve pas l’amour, on le
retrouve, et si on le retrouve, c’est qu’on l’avait perdu. On a peur
quand on le rencontre, parce qu’on connaît la fin. On avance pourtant,
on y va, plus on avance, plus on oublie, le présent est une lame de
fond…
En parlant de naissance tout lui parle de sa mère, peut-être n’aime-t-on
jamais que pour ramener sa mère, peut-être ne pense-t-on jamais que
pour comprendre sa mère, peut-être n’écrit-on jamais que pour toucher sa
mère, ou la quitter enfin.
C’est elle, sa mère qui avait cousu la robe rouge, les souvenirs ces
vieux bouts d’épave, ces débris de naufrage ont ressurgis avec force.
Sa mère était née un dix huit mars.