"J’aimerais qu’il existe des lieux stables, immobiles, intangibles,
intouchés et presque intouchables, immuables, enracinés ;
des lieux qui seraient des références, des ponts de départ, des sources "
Georges Perec, in Espèces d’espaces /1974
Elle est là, assise, ses pensées la transportent autour du
monde et en elle-même, elle essaie de retracer le voyage sur le papier. Elle veut parler de l’amour, dire ce qu’il en coûte d’être
un humain, ce que c’est d’être une femme.
Elle veut parler d’une rencontre…qui a changé son regard sur les choses et les êtres.
Elle veut parler de ces moments qu’elle regarde comme des
cadeaux, et de bons moments et de mauvais moments. Elle ne pense pas que le savoir ou l’expérience qu’elle a
acquise et qui font partie d’elle soient en rien plus grands que ceux des
autres.
Elle a réalisé un rêve, elle a quelques années de plus à la
place. Elle a vu l’envers de quelque chose d’éblouissant.
Elle a peur de se dévoiler, peur que ce qu’elle livre la
laisse vulnérable et lui ôte toute défense.
Peut-être était-elle tentée de
broder, de se monter et ce qui l’entoure sous un jour favorable pour gagner la
sympathie. Ou au contraire de noircir les choses pour leur donner plus de sel.
Comme
si elle était convaincue que la réalité n’était pas digne d’intérêt.
Il y a en elle une jeune fille qui refuse de mourir. Elle
vit, se réjouit, se désole, lutte pour devenir adulte. Pourtant chaque jour,
pour une chose ou pour une autre qu’elle fait et qui la touche, elle entend en
elle cette jeune fille.
Celle qui fut elle il y a de longues années. Ou peut-être
celle qu’elle crut être. C’est une voix pressante qui proteste presque toujours,
parfois à peine audible, pleine de désir inassouvi et de tristesse.
Elle ne
veut pas l’écouter, elle n’a rien à voir avec sa vie d’adulte. Mais elle la
fait douter. Certains matins, elle décide de vivre sa vie et se met à espérer
devenir ce qu’elle voulait être. Regardant en arrière les rêves de son enfance,
ceux dont elle se souvient, elle se rend compte qu’ils ressemblent étrangement à
bien des rêves qu’elle fait encore, mais elle ne les vit plus comme faisant
partie de la réalité.
Celle qui est en elle et qui refuse de mourir, espère encore
quelque chose de différent.
Elle essaie de se changer elle-même, trouver la paix,
pouvoir s’asseoir et écouter hors de toute influence, ce qui la constitue comme
Elle.
Il est grand temps, tous les voyages ont une fin !
"Mais c'est peut-être vrai, ce qu'il dit,
que
tous les chemins sont circulaires et qu'ils ne mènent pas quelque part mais à l'intérieur
de soi,
parce que le brouillard de nos peurs est trop épais,
et les routes qui
ont l'air de mener ailleurs sont des illusions"
Alessandro Baricco , in Cette histoire-là