La perfection, je le sais, n’est pas de ce monde, mais dès qu’on entre dans ce monde, dès qu’on accepte d’y faire figure, on est tenté par le démon le plus subtil, celui qui vous souffle à l’oreille :
Puisque tu vis, pourquoi ne pas vivre ? Pourquoi ne pas obtenir le meilleur ?
Alors ce sont les courses, les voyages…
Mais quels beaux instants que ceux où le désir est près d’être satisfait.
Il n'est pas étrange que l'attrait du vide mène à une course, et que l'on saute pour ainsi dire à cloche-pied d'une chose à une autre. La peur et l'attrait se mêlent, on avance et on fuit à la fois; rester sur place est impossible. Cependant un jour vient où ce mouvement perpétuel est récompensé:
la contemplation muette d'un paysage suffit pour fermer la bouche au désir.
Au vide se substitue immédiatement le plein.
Quand je revois ma vie passée il me semble qu'elle n'a été qu'un effort pour arriver à ces instants divins...
Jean Grenier in, « Les îles »
L’attrait du vide
L’imaginaire Gallimard p 28/29
crédit photo Bernard Faucon