Cette invitation tombe à pic, la grisaille parisienne je ne la supporte plus, cela me fera du bien de changer d’air à défaut de changer de peau. C’est la première fois que je vais à ce genre de soirée libertine et de plus à Venise.
Le masque est de rigueur, heureusement !
Devant le miroir, je scrute ce corps qui me fait tant souffrir. Mon imagination se met en route, il va falloir choisir les vêtements, quelques achats dans mes boutiques favorites et me voilà prêt, billet en poche.
Après à peine une heure quarante de vol, je flâne dans les venelles de Venise, j’ai repéré l’endroit où se passe la soirée. Une belle bâtisse au bord du Grand Canal, la brume de ce mois de février rend cette ville irréelle et féerique.
La peur me gagne, j’ai envie de renoncer, cela va être difficile pour moi d’affronter le regard des autres. Ce masque de tulle rebrodé de perles, orné de roses blanches rendra ce moment plus facile.
Mon regard pourra aller à sa guise caché de si belle manière.
Et cette robe bustier au drapé de soie fait ressortir l’éclat de ma peau, ce corps, ce piège où si souvent les hommes se sont laissés prendre.
J’ai peur et en même temps le désir de séduire, de jouer, de tricher encore sont bien là.
Toute ma vie vais-je continuer ainsi ?
Ce visage aux traits si durs et masculins, ce corps de femme à la poitrine opulente, mes yeux, ma bouche, les rides sur mon front, ce regard dépourvu de douceur et cette expression cynique font
de moi ce travesti, cet homme qui voudrait crier sa douleur mais se retient.
Pourquoi ne suis-je pas comme tout le monde ?
En ce jour de mercredi des cendres, pour terminer la série sur les masques j’en ai profité pour rapatrier ce billet ancien, le sourire aux lèvres.Cette fiction m’a été inspirée par la photo de Diane Arbus un soir d'atelier d'écriture.