Quatrième de couverture
"Ce n'était pas de l'amour, le sentiment qui régnait entre eux deux. Ce n'était pas non plus une espèce de pardon automatique. C'était une solidarité mystérieuse. C'était un lien sans origine dans la mesure où aucun prétexte, aucun évènement, à aucun moment, ne l'avait décidé ainsi."
Pascal Quignard nous offre à lire avec Les Solidarités mystérieuses un roman aux descriptions minutieuses de la nature, d’un visage, d’un corps, d’un geste quotidien, un roman aux descriptions romanesques aussi avec ses secrets de famille, les jalousies amoureuses. Chapitre après chapitre les personnages aux prénoms de Claire, Simon, Paul, Juliette , Jean, donnent une fiction irriguée de mystère d’une sobre beauté et d’une profondeur entêtante.
Portrait énigmatique de femme, Claire, aussi sauvage que la Bretagne où se mêlent la beauté des landes, des bois, des falaises, des rochers à fleur d’eau, du vent qui gronde, de la mer, pays de l’enfance de Claire qu’elle retrouve après avoir choisi de tout quitter.
"… Sur la falaise, immobile, le corps dans le vent, dans le ciel, elle redevient heureuse.
Elle écoute, en contrebas, la mer. Elle ferme les yeux… »(p25)
" Elle aimait ce lieu. Elle aimait cet air si transparent, par lequel tout était plus proche. Elle aimait cet air si vif, où tout s'entendait davantage. Elle éprouvait le besoin de reconnaître tout ce qu'elle avait vécu. Elle ressentait le besoin de reconnaître tout ce qu'elle avait découvert du monde, ici, jadis. Et peu à peu elle se souvenait en effet de tout, des noms, des lieux, des fermes, des ruisseaux, des bois… Elle aimait ce pays. Elle aimait cette grève si violemment escarpée, si noire, tellement raide, tellement à l’aplomb du ciel. Elle aimait cette mer. " (p40/41)
Promenades interminables, extase muette face à la mer, fusion entre le lieu et Claire...
" Le paysage [...] soudain s'ouvrait, venait vers elle et c'est le lieu lui-même qui l'insérait en lui, la contenait d'un coup, venait la protéger, faisait tomber la solitude, venait la soigner. Son crâne se vidait dans le paysage... "
Portrait et histoire de Claire brossés par ceux qui l’entourent, tableaux successifs d’instants limpides, sensuels, immobiles, contemplatifs comme des moments de prière.
Paul son frère cadet, " Je ne croyais pas en Dieu. Personne de nous ni autour de nous n’y croyait. Jean y croyait pour nous tous. "(p220) Jean le prêtre l’amant de Paul,
Juliette la fille de Claire, Madame Ladon sa professeur de musique qu’elle s’est choisie pour mère, et surtout Simon, son amour de jeunesse .
"Au bord de la falaise, près d'un bloc de granite gris clair, tout chaud, qui conservait dans le crépuscule la chaleur du jour, couvert de lichen blanc et jaune, il y avait un buisson jaune.
(...) Parfois, il l'y rejoignait le soir.
Mais le plus souvent elle croyait qu'il l'y rejoignait. Et il suffisait qu'elle crût qu'il la rejoignait pour se mettre à lui parler, dans son coeur, sans finir, comme s'il était là, et lui raconter tous les événements du jour."(p71)
"Mais lui aussi il la regardait, depuis la mer, marcher dans les roches .Lui aussi , il la voyait errer et l’observer. Lui aussi, il la suivait des yeux, heure par heure, durant tout le jour. Elle, elle le voyait de même, en contrebas, sur la mer, qui s’ennuyait d’elle, qui faisait sembler de pêcher, qui tournait en rond, qui la regardait, qui pensait à elle, qui l’aimait et ne voulait pas d’elle."(p139)
" J’ai tout vu murmura-t-elle…Il s’est laissé glissé dans l’eau. Il m’a fait un petit signe."(p181)
Simon est omniprésent dans les 252 pages du roman comme dans "l'odeur des fleurs de sureau qui s'élève des mains des amants et qu'ils essuient dans la mousse "
"Quand elle restait immobile, comme une pierre sur la falaise, c'est qu'elle regardait son amoureux en contrebas, dans sa chaloupe, sur la mer."
(l'une des dernière phrases du livre)
Bonne lecture !