On vous demande pourquoi vous voyagez.[...]
[...On peut donc voyager non pour se fuir, chose impossible, mais pour se trouver.
Le voyage devient alors un moyen [...]
Il est donc bien vrai que dans ces immenses solitudes que doit traverser un homme de la naissance à la mort, il existe quelques lieux, quelques moments privilégiés où la vue d'un pays agit sur nous, comme un grand musicien sur un instrument banal qu'il "révèle", à proprement parler, à lui-même. La fausse reconnaissance, c'est la plus vraie de toutes: on se reconnaît soi-même: et quand devant une ville inconnue on s'étonne comme devant un ami qu'on avait oublié, c'est l'image la plus véridique de soi-même que l'on contemple.
Les grands paysages lumineux de Toscane et de Provence où l’on voit des plaines que l’on a peine à mesurer de l’œil et où pourtant tous les détails sont écrits, ces paysages à la Lorrain sont propices entre tous à ces révélations…
Il est vrai que certains spectacles, la baie de Naples, les terrasses fleuries de Capri, de Sidi-Bou-Saïd, sont des sollicitations perpétuelles à la mort. Ce qui devait nous combler creuse en nous un vide infini…
La beauté des grands paysages n'est pas proportionnée à la puissance de l'homme...
Pourquoi dit-on d'un paysage ensoleillé qu'il est gai ?
Le soleil fait le vide et l'être se trouve face à face avec lui-même sans aucun point d'appui.
Partout ailleurs le ciel interpose ses nuages, ses brouillards, ses vents, ses pluies et voile à l'homme sa pourriture sous le prétexte d'occupations et de préoccupations...
Jean Grenier, in "Les îles" l'Imaginaire Gallimard
J’aime reprendre un livre sur l’étagère des favoris que j’ai à portée de mains dans mon bureau.
Ce matin en pensant à un petit chat noir en tissu , souvenir d'enfance, j'ai voulu relire «Le chat Mouloud » mais je me suis arrêtée sur « Les Iles fortunées » dont vous venez de lire un extrait.
Bon voyage !