Alors que l’on s’apprête à célébrer le cinquantenaire de sa mort…
"Au milieu de l'hiver, j'apprenais enfin qu'il y avait en moi un été invincible."
L’ombre d’un homme qui marche au soleil… plane, lui, qui écrivait dans Le premier Homme, "le livre doit être inachevé"
Une photo, cigarette et trench, Albert Camus désormais figé dans une éternité noire et blanche, 50 ans après sa mort le mythe perdure.
Il y a l’écrivain tourmenté qui conjugait amour et désespoir de vivre, qui écrivait " il y a en moi un vide affreux, une indifférence qui me fait mal " " que je n’étais rien dans rien de ce que j’ai dit ni écrit ? " qu' "un personnage n’est jamais le romancier qui l'a créé mais qu’il y a des chances cependant pour qu’il soit tous ses personnages à la fois" ?
Homme solaire, lumière célébrée en de sublimes noces, sa terre-mère " habitée par les dieux" communion charnelle avec la nature, le soleil, la mer, la lumière, la beauté des plages, homme révolté qui marchait au soleil " dans la merveilleuse paix d’un été endormi"
Il y a l’homme qui aima les femmes, cette femme aimée, celle dont on étreint le corps pour " retenir contre soi cette joie étrange qui descend du ciel et de la mer "
D’abord la mère, la première femme "désespérément aimée " " tout homme est le premier homme, c’est pourquoi il se jette aux pieds de sa mère" " et sa mère telle qu’elle était demeurait ce qu’il aimait le plus au monde, même s’il l’aimait désespérément " lui le fils, l’écrivain reconnu, célébré,qui se dit " incapable de trouver à travers des milliers de mots ce qu’elle pouvait dire à travers un seul de ses silences "
Et puis il y a les autres, les femmes, celles des premiers émois, celles des rencontres sans lendemain, celles qu’on admire, celles qu’on épouse, celles que l’on regrette et toutes les autres, les passantes,"les ravageuses".
Camus est méditerranéen, il aime " les filles aux jambes fraîches"," les seins libres dans des robes légères" " l’eau profonde et claire, le fort soleil, les filles, la vie du corps" "les trésors de l’homme" sont " la tiédeur de l’eau et les corps bruns des femmes " comment le croire quand il écrit dans ses « Carnets » " renoncer à cette servitude qu’est l’attirance féminine" il proncera aussi ce jugement assez caustique " elles nous inspirent le désir de faire des chefs d’œuvres mais nous empêchent toujours d’en venir à bout"
Il a besoin de se savoir aimé,il a du charme,il a besoin de plaire.
Dans le mythe de Sisyphe il écrit " mais savoir si l’on peut vivre avec ses passions, savoir si l’on peut accepter leur loi profonde qui est de brûler le cœur dans le même temps qu’elles exaltent, voilà toute la question"
Il alla de l’une à l’autre, comment s’étonner de lire dans " La chute" cet aveu dans la bouche de Clamence " Quand tout marchait bien et qu’on me laissait en même temps que la paix la liberté d’aller et de revenir, jamais plus gentil et gai avec l’une que lorsque je venais de quitter l’autre… "et dans " L’homme révolté" " la possession totale d’un être, la communion absolue dans le temps entier de la vie est une impossible exigence. Aimer alors, c’est stéréliser l’aimé" ou encore dans" La chute" " Certains mariages qui sont des débauches bureaucratisées, deviennent en même temps les monotones corbillards de l’audace et de l’invention. Le mariage bourgeois a mis notre pays en pantoufles, et bientôt aux portes de la mort " .
Pour Camus le mariage est une prison, souvenez- vous de Meursault dans "l’Etranger" ou Marie demande s’il veut se marier avec elle, la réponse de Meusault est sans appel " j’ai dit que cela m’était égal et que nous pourrions le faire si elle le voulait " et il ajoute " je lui ai expliqué que cela n’avait aucune importance[…] elle a observé alors que le mariage était un chose grave.J’ai répondu non".
Il y a encore tant d’exemples dans La peste, La chute, Jonas dans L’exil et le Royaune, les Noces, L’homme révolté, et pourtant encore une fois dans La chute il fait dire à Clamence " J’avais du mal à imaginer, malgré l’évidence, qu’une femme qui avait été à moi pût jamais appartenirà un autre".
Toute sa vie Camus ne cessera de mener un combat exténuant contre " la part obscure, ce qu’il y a d’aveugle et d’instinctif en (lui).
" La rivière et le fleuve passent, la mer passe et demeure.
C’est ainsi qu’il faudrait aimer ; fidèle et fugitif.
J’épouse la mer "
L’Eté.
Je suis peut-être une privilégiée, j'ai pu parler de Camus, apprendre un peu plus qui était l'homme en écoutant les souvenirs d'un ami de Char et qui avait collaboré avec Camus sur la pièce "Les possédés" de Dostoievski.
Crédit photo Albert Camus, Paris 1947 Henri Cartier-Bresson/Magnum Photos
Extraits de mes lectures de Camus,
désolée je ne pouvais faire plus court, j'aurais encore tant et tant de pages à écrire sur cet auteur,
pages différentes, mais je voulais dans ce billet, privilégier l'homme.