Elle est là silencieuse, assise dans les rochers devant la mer, elle
ne rêve pas, elle réfléchit, et comme toujours plein de questions sans
réponses la taraudent.
Oh les réponses elle doit les connaître, sûrement, mais a-t-elle envie d’entendre la voix de la sagesse qui les lui dicte ?
Oh que non, et la voilà qui repart dans ses rêves pour un court instant.
Puis en grande fille raisonnable elle se dit à voix haute tout ce qui
la tracasse, tout ce qu’elle n’aime pas, tout ce qu’elle voudrait
changer dans son mode de fonctionnement.
Elle n’a plus envie d’être celle qui attend le retour de ce père.
Toute sa vie de femme n’a-t-elle pas attendu toujours et encore qu’il
revienne sous les traits à chaque fois différent, quand son cœur se
mettait à battre la chamade, quand elle croyait reconnaître quelques
expressions de lui dans le regard de l’autre.
Toute sa vie n’a-t-elle pas attendu un appel, une lettre ?
Mais à chaque fois la peur d’être abandonnée comme la petite fille, la
poussait vers tout ce qu’il ne fallait pas faire, devenir dépendante et
puis agressive dans ses mots, elle qui ne quémandait qu’un peu d’amour,
celui dont elle a manqué à un moment charnière de sa vie.
Ô les hommes de sa vie l’aimaient à leur manière, mais l’aimaient-ils vraiment ?
N’était-ce pas plutôt le désir qui les poussait vers elle ?
Comme eux, elle confondait le verbe être amoureuse et aimer.
Elle, elle rêvait d’un amour grand, impossible, démesuré, sûrement comme
l’était cet amour pour son père.
Elle pense à cet homme qui lui a dit qu’elle n’aimera peut-être plus jamais.
Elle rêvera encore, aimera encore, éternelle quête…
Mais elle est heureuse, car elle sait qu’elle sait aimer…
Tu es parti un jour d’été, un jour de juin, tu m’as attendu pour ton dernier souffle, nos mains se sont rejointes, sans un mot tu m’as montré à quel point tu m’aimais.