"La perplexité de Sisyphe "
Rien ne change vraiment...la vie reste un défi...
"Il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux: c'est le suicide. juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d'être vécue, c'est répondre à la question fondamentale de la philosophie [...].
Il arrive que les décors s'écroulent. Lever, tramway, quatre de bureau ou d'usine, repas, tramway, quatre de travail, repas, sommeil, et lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi et samedi sur le même rythme, cette route se suit aisément la plupart du temps.
Un jour seulement le "pourquoi" s'élève et tout commence dans cette lassitude teintée d'étonnement.
"Commence", ceci est important, la Lassitude est à la fin des actes d'une vie machinale, mais elle inaugure en même temps le mouvement de la conscience[...]
Je disais que le monde est absurde et j'allais trop vite. Ce monde en lui-même n'est pas raisonnable, c'est tout ce qu'on peut en dire. Mais ce qui est absurde, c'est la confrontation de cet irrationnel et de ce désir éperdu de clarté dont l'appel résonne au plus profond de l'homme. [...]
L'absurde est essentiellement un divorce [...] Je tire [...] de l'absurde trois conséquences, qui sont ma révolte, ma liberté et ma passion. Par le seul jeu de la conscience, je transforme en règle de vie ce qui était invitation à la mort___et je refuse le suicide.
La création [...] est le bouleversant témoignage de la seule dignité de l'homme: la révolte tenace contre sa condition, la persévérance dans un effort tenu pour stérile. Elle demande un effort quotidien, la maîtrise de soi, l'appréciation exacte des limites du vrai, la mesure et la force. Elle constitue une ascèse.
Tout cela "pour rien", pour répéter et piétiner.
Mais peut-être la grande oeuvre d'art a moins d'importance en elle-même que dans l'épreuve qu'elle exige d'un homme et l'occasion qu'elle lui fournit de surmonter ses fantômes et d'approcher d'un peu plus près sa réalité nue."
Albert Camus , in "Le Mythe de Sisyphe" Gallimard
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