Il fait gris, le ciel est bas, c’est un froid matin de janvier, le bruit de la ville monte jusqu’au deuxime tage où Robert vient de se rveiller. Il n’est pas d’humeur joyeuse et pourtant la nuit a t chaude si l’on voit l’tat des draps, dans sa tte il ne se souvient plus trs bien de ce qui s’est pass, il a certainement encore trop arros au champagne et whisky une soire comme il en passe souvent pour oublier sa solitude. D’ailleurs il entend le bruit de la douche, elle est donc encore l, mais il ne se souvient plus d’elle, comme d’habitude il a du la choisir plutt jeune et sexy pour assouvir ses moments de pulsions de mle macho.
Quel besoin a –t’il de toujours se faire raccompagner, il faut dire qu’il porte bien sa cinquantaine, grand mince pas de calvitie naissante juste les tempes grisonnantes qui lui confrent un air de sducteur, le teint hal, le sourire carnassier, la classe, tout droit sorti d’un magazine de mode le style sportswear chic qui sied bien sa fonction Il est cinaste, sa passion qu’il a pu transformer en mtier lui permet de voyager la recherche de sites, d’histoire, d’nigmes qui deviendront des documentaires pour la tlvision.
La fille sort de la douche, rose et frache et ne comprend pas l’indiffrence que lui tmoigne Robert, lui n’a qu’une hte c’est qu’elle parte au plus vite. Pour ne pas tre plus mufle qu’il n’est il lui propose un caf, lui dit qu’il l’appellera ds son retour de voyage ! Pour lui cette histoire qui n’a mme pas commenc est termine.
A son tour il passe dans la salle de bains et le miroir lui renvoie l’image d’un homme qu’il dteste, non ce pauvre type cela ne peut-tre LUI, ce cynisme dans le regard, tous ces faux semblants dont il est fait… inconsciemment il sent au fond de lui que le petit enfant qu’il a t existe encore, il faut absolument qu’il le retrouve.
Ce matin il n’a pas de but prcis, il aime flner dans son quartier, regarder autour de lui toujours l’affût d’une ide, il est trs observateur de tout ce qui l’entoure. Il apprcie son environnement et puis rue Sainte Anne cela sonne bien et fait une belle carte de visite.
L’immeuble situ au 46 est un ancien htel particulier de Bossuet, cela lui a permis de relire les fameux sermons, car c’est un homme cultiv . La grande porte cochre ne s’ouvre qu’ l’nonc d’un code et la cour se divise en deux parties. Lui c’est le magnifique escalier de droite qui le mne son appartement situ au deuxime, ils ne sont que quelques rares privilgis habiter cet immeuble cossu dans ce quartier calme deux pas de l’Opra.
Il entretien trs peu de relations avec ses voisins, il a remarqu une vieille dame aimant les chats, un dentiste un peu bizarre aux grosses mains et puis surtout la femme du troisime, il se dgage quelque chose de cette personne qui le met mal l’aise, il a du mal croiser son regard qui est lumineux et tellement plein d’humanit. Elle ne ressemble aucune femme qu’il regarde d’habitude, plus ge que ses conqutes, mais il mane d’elle quelque chose de troublant.
Les commerants ne sont pas nombreux dans cette rue, le coiffeur, quelques maisons plus loin, la fleuriste, beaucoup de bureaux et quelques restaurants, il aime particulirement ce fameux restaurant marocain la dcoration typique, fontaine, banquettes, carrelage et puis le patron est charmant, c’est devenu un endroit la mode dans la capitale, l’accueil sympathique et les mets succulents ont su conqurir les plus difficiles. Robert aime y inviter, il se sent bien dans cette ambiance, qui pourtant est loin de son cynisme et plus proche de l’enfant qui est en lui.
Robert n’est pas press de rejoindre son bureau et pourtant il a un rendez vous important, il doit rencontrer les producteurs de son prochain film et leur soumettre son ide. Il sait que la partie n’est pas gagne d’avance mais il va tout mettre en œuvre pour les convaincre, il y tient son projet cela fait des annes qu’il a envie de s’investir dans cette histoire.
En fait, chaque fois qu’il descend dans son midi pour de long week-end dans sa maison de pcheurs situ au bord de l’tang et que ses balades le mnent dans ce pays sauvage où tout le ramne l’essentiel, loin des faux semblants, la nature exerant ses volonts et ne laissant l’homme que peu de pouvoir. Dans ce pays de vent, de mer et d’tangs, de montagnes arides, de vignes, de vieilles pierres tellement charges d’histoire, l’envie de filmer ces endroits en y mlangeant le pass et le prsent, de faire revivre les Cathares, et surtout de se pencher sur l’histoire de Minerve cette belle cit love dans ce vallon sauvage de la Cesse.
Robert se dit qu’il a du pain sur la planche pour arriver les convaincre, ils vont lui parler d’audience, de part de march, mais lui ce qu’il veut au fond c’est interpeller, faire rver, et faire connatre toutes ces histoires et ces paysages qui constituent notre identit.
Si Robert se regardait ce moment prcis dans le miroir, l’image renvoye lui montrerait un homme gnreux, au visage anim de passion, des yeux exprimant plein de tendresse, il aurait sûrement du mal se reconnatre, mais il verrait aussi que cette personne plus proche de la vrit, de sa vrit, c’est LUI.
Depuis quelques jours Robert n’apprcie gure sa vie, il se pose des questions existentielles !
Et si son projet n’aboutissait pas ? Pour meubler sa solitude et son stress il s’tourdit dans de folles nuits qui lui laissent toujours un goût amer au rveil. Lui qui aime les femmes et qui ne sait pas aimer, qui ne sait plus aimer, se met toujours dans des situations dont il n’aime pas l’issue.
Il se met penser sa voisine qu’il croise tous les jours dans les escaliers, il mane de cette femme quelque chose qui la fois le sduit et lui fait peur, il n’arrive pas comprendre ce qu’elle provoque en lui. Devant elle il perd de sa superbe, ose peine la regarder quand elle lui dit si gentiment, bonjour ou bonsoir avec dans sa voix une intonation joyeuse.
Il faut dire qu’elle habite depuis peu l’immeuble et est trs discrte, il va falloir faire plus ample connaissance se
dit-il et si je l’invitais. Mais comment l’aborder naturellement alors que dans sa tte tout n’est que confusion. Et puis ce n’est pas son genre cette femme qui n’a pas l’ge de ses conqutes habituelles, et qui pourtant est encore belle, une beaut sauvage qui donne envie d’en savoir plus sur elle.
Il se met voquer son pass, il a aim une femme dans sa vie et cet pisode est tellement douloureux que rarement il laisse remonter la surface ce souvenir. Il a aim Anne follement, ils se sont connus la fac et tout de suite il a su que c’tait elle et aucune autre. Avec elle tout tait amour, passion, tendresse, folie. Elle tait tellement gaie, espigle, sa voix aux intonations si expressives, parfois tendre, suave, animale, cette voix qui allumait son dsir, le dsir de cette femme qui savait se donner avec tant de fougue, qui aimait ses caresses les plus folles et qui en redemandait sans fausse pudeur, toute son plaisir !
Qu’il tait bien dans ses bras, ses cots, entendre ses murmures…
Mais le destin est cruel, ce terrible accident, lui au volant, elle ses cots, les phares blouissants de la voiture d’en face, ce bruit de tle froisse, ce cri NON……et puis plus rien ! Et toute une vie qui bascule.
Il se fait mal en voquant ce maudit 14 fvrier !
Cette douleur si puissamment ancre, explique son comportement prsent, son cynisme, sa qute perptuelle, sa fuite en avant.
Je sais c'est long, je me suis fait plaisir, merci si vous avez eu la patience de me lire jusqu'ici...
Pass imparfait...
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