Un petit coucou façon carte postale.
Ce matin j' ai guetté le lever du jour, une merveille.
Beau temps, douceur, couleurs, senteurs, et ma mer , je me régale.
A bientôt !
Certes c’est une grande folie, et presque toujours châtiée, de revenir sur les lieux de sa jeunesse et de vouloir vivre à quarante ans ce qu’on a aimé ou dont on a fortement joui à vingt. Mais j’étais averti de cette folie, une première fois déjà, j’étais revenu…
J’espérais, je crois, y retrouver une liberté que je ne pouvais oublier. J’essayais au moins de retrouver cette force, jusqu’à présent fidèle, qui m’aide à accepter ce qui est, quand une fois j’ai reconnu que je ne pouvais le changer. Et je ne pouvais, en effet, remonter le cours du temps…
Cet élan que j’étais venu chercher ici, je savais bien qu’il ne soulève que celui qui ne sait pas qu’il va s’élancer. Point d’amour sans un peu d’innocence…
Quand une fois on a eu la chance d’aimer fortement, la vie se passe à chercher de nouveau cette ardeur et cette lumière…
Il n’est pas pour moi un seul de ces kilomètres de route qui ne soit recouvert de souvenirs et de sensations. L’enfance violente, les rêveries adolescentes, les matins, les plages…
Toujours la même mer aussi… vapeur bleue et légère qui se confond encore avec le ciel..
J’écoutais en moi un bruit presque oublié, comme si mon cœur, arrêté depuis longtemps, se remettait doucement à battre. Et maintenant éveillé, je reconnaissais un a un les bruits imperceptibles dont était fait le silence : la basse continue des oiseaux, les soupirs légers et brefs de la mer au pied des rochers, …j’entendais cela, j’écoutais aussi les flots heureux qui montaient en moi. Il me semblait que j’étais enfin revenu au port, pour un instant au moins…
Je regardais la mer qui à cette heure, se soulevait à peine d’un mouvement épuisé et je rassasiais les deux soifs qu’on ne peut tromper longtemps sans que l’être se dessèche, je veux dire aimer et admirer. Car il y a seulement de la malchance à n’être pas aimé : il y a du malheur à ne point aimer.
Au milieu de l’hiver, j’apprenais enfin qu’il y avait en moi un été invincible…
Albert Camus
Extraits de L’Eté, « Retour à Tipasa »
Avant le départ, je me suis imprégnée de cette lecture, étrange sensation, l’impression que ce texte m’était destiné.
A bientôt !
(Si je peux je vous enverrai une photo carte postale de ma mer !)
"Il y a le cas de cet analysant inconsolable à qui fut posée la question: "si vous pouviez recréer exactement la même femme, votre femme qui est morte, seriez-vous capable aujourd'hui de l'aimer en lieu et place de votre femme ?",
la réponse fut nette: "non, elle ne pourrait pas être la même!"
En énonçant cette réponse, l'analysant mît immédiatement fin à son "état dépressif".
Il réalisa que la place vide ne pouvait être remplie par aucun désir.
Il s'était approché au plus près de l'impossible, l'impossible de remonter le temps, l'impossible de retrouver le passé, l'impossible qui structure l'ordre des possible.