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Fleurs de cerisier
Qui ne connaissez le printemps
Que depuis cette année,
Puissiez-vous ne jamais apprendre
Qu'un jour vous devrez tomber.
Ki no Tsurayuki
photo prise hier par Eveline Gallet
"Nos ennemis peuvent couper toutes les fleurs,
mais ils ne seront jamais maître du printemps."
Pablo Neruda
Déchirure bleue dans le ciel,
ivre de la rumeur du vent,
du roulis des vagues,
des baisers d’embruns,
en trois points de sel…
Ivre de sables brûlants,
de rêves de sables brûlants,
de sables brûlants de rêve,
de brûlures de sables rêvées…
Dans le tiroir inférieur de la commode, je retrouve une lettre arrivée ici, une première fois, voilà vingt-six ans. Une lettre affolée, qui respire encore quand elle arrive pour la seconde fois.
Une maison a cinq fenêtres : par quatre d’entre elles, le jour brille avec calme et félicité. La cinquième fait face à un ciel noir, à l’orage et à la tempête. Je suis à la cinquième fenêtre. La lettre.
Parfois il existe un abîme entre le mardi et le mercredi, mais vingt six ans peuvent défiler en un instant. Le temps n’est pas une distance en ligne droite, mais plutôt un labyrinthe, et quand on s’appuie au mur, au bon endroit, on peut entendre des pas précipités et des voix, on peut s’entendre passer, là, de l’autre côté.
Cette lettre n’a-t-elle jamais eu de réponse ? Je n’en sais plus rien, c’était il y a si longtemps déjà. Les innombrables seuils de l’océan ont poursuivis leur marche. Le cœur a continué à bondir, de seconde en seconde, comme un crapaud dans l’herbe humide d’une nuit d’août.
Les lettres sans réponses s’amassent là-haut, comme les cirrostratus qui annoncent la tourmente. Elles ternissent les rayons du soleil. Je répondrai un jour. Un jour, lorsque je serais mort et que j’arriverai enfin à me concentrer. Ou du moins assez loin d’ici pour arriver à me retrouver. Quand je viens d’atterrir dans la grande ville et quand je longe la 125e Rue, dans le vent qui balaie la rue des ordures en fête. Moi qui aime tant flâner et me perdre dans la foule, un T majuscule dans la masse du texte sans fin.
Tomas Tranströmer, 1931-2015
Baltiques
Oeuvres complètes (1954-2004)
Poésie Gallimard
(photo empruntée sur la toile)
On se croit retranché du monde, mais il suffit qu'un olivier se dresse dans la poussière dorée,
il suffit de quelques pages éblouissantes sous le soleil du matin, pour qu'on sente en soi fondre cette résistance.
Ainsi de moi.
Je prends conscience des possibilités dont je suis responsable.
Chaque minute de vie porte en elle sa valeur de miracle et son visage d'éternelle jeunesse.
Albert Camus,
in Carnets 1935-1948. (Janvier 1936)