Ne pas se séparer du monde. On ne rate pas sa vie lorsqu'on la met dans la lumière.
Tout mon effort, dans toutes les positions, les malheurs, les désillusions,
c'est de retrouver les contacts.
Et même dans cette tristesse en moi quel désir d'aimer et quelle ivresse
à la seule vue d'une colline dans l'air du soir.
Contacts avec le vrai, la nature d'abord, et puis l'art de ceux qui ont compris,
et mon art si j'en suis capable.
Sinon, la lumière et l'eau et l'ivresse sont encore devant moi,
et les lèvres humides du désir.
Désespoir souriant.
Sans issue, mais exerçant sans cesse une domination qu'on sait vaine.
L'essentiel : ne pas se perdre,
et ne pas perdre ce qui, de soi, dort dans le monde.
*
Tous les contacts = culte du Moi? Non.
Culte du moi présuppose amateurisme ou optimisme. Deux foutaises.
Non pas choisir sa vie, mais l'étendre.
Attention: Kirkegaard, l'origine de nos maux, c'est la comparaison.
S'engager à fond. Ensuite accepter avec une égale force le oui et le non.
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Albert Camus
Carnets I, Cahier I
Mai 1936
Nicolas de Staël, Le Parc des Princes 1952