J’ai un faible. Une faille, un truc, un talon dans la botte de mes secrets. C’est
un amour clandestin qui ne se vit qu’en chambre. Impossible de se montrer
ensemble.
L’étreinte est toujours rugueuse, piquante presque.. A notre première rencontre,
il était armé d’une tige pour se maintenir. Je me souviens de l’inconfort que
me procurait son contact. Chaque assaut me transperçait. Mes plaintes répétées
ont porté et il s’est adapté, lui aussi à la modernité.
Aujourd’hui il est scratchant. Coloré, diamétralement varié. Il sait répondre à
mes envies d’onduler, de me détendre, de me parer, de me serrer, de me lâcher,
de jouer à être une autre, de rire et de décoller. Entre nous, le rituel est
établi. D’abord, l’envie ; alors je l’avertis. Puis viens l’humidité des
grands désirs. Il ne s’approche que lorsque je suis prête.
Là commence notre
chorégraphie.
Nos débuts insouciants me font encore sourire. Quelle maladresse et quel chaos !
J’ai cru que je l’aimais trapu, alors que c’est sa finesse qui me rend belle. J’ai
cru que je l’aimais sauvage, alors que c’est sa méthode qui me révèle. Il a
connu tellement de femmes avant moi que je comptais sur lui pour me montrer la
voie. Mais plus malin que cela, il me laisse toujours le guider pour être
certain de me combler.
Comme les meilleurs amants, il est ébouriffant. De mes racines à chacune de mes
extrémités, autour de lui je viens fermement m’enrouler. Plus nous serons
serrés, plus nous serons portés. Tout dans ma tête décolle. C’est un contact,
compact, précis, tiraillant et exigeant. Il m’arrive de crier
« Arrête, c’est
trop fort », mais il sait que plus c’est fort, plus je lui en saurai gré.
Notre besogne achevée, commence une danse patiente et progressive. Une attente,
cramponné l’un à l’autre, comme une eau qui s’évapore. Chaque gouttelette de
notre rencontre rejoint le ciel comme témoin de notre entente. Il ne bouge pas.
Que j’aime sa persévérance ! De nous deux, je suis la plus impatiente. Il
me tarde parfois, je l’avoue, de reprendre le cours de ma journée. De nous
donner rendez-vous une autre fois : « S’il te plaît, pour cette fois,
laisse-moi partir sans toi. »
Seulement voilà, tant d’ardeur pour tout
laisser tomber, quel gâchis de volupté ! Alors, nous allons parfois
prendre le vent chaud ensemble. Toujours blottis, toujours serrés. Nos peaux se
chauffent, écourtant cette attente, modelant ce qui, ensuite, nous attend.
Vient infailliblement l’heure de se décrocher. Rarement trop tôt, à mon goût.
Mais je savoure sa présence directive, car dès que nous serons séparés, comme même
les meilleurs amants, son souvenir s’estompera. Progressivement, jusqu’à
disparaître sans laisser de traces m’assurant d’être encore aimée.
Et puis la prochaine fois que tout dans ma vie accélérera ou me désespérera, j’appellerai
mon sauveur…
Car mon Achille à moi est un bigoudi......
Pour corser la chose je vous laisse deviner quel est cet Achille !
La réponse était bien" BIGOUDI" .
Lu hier dans « Clés »numéro 81 chronique"Slow life" de Florence Servan-Screiber