Quelle farceuse la lune quand elle est pleine. Hier encore à la tombée du jour
elle est venue dans l’encadrement de la fenêtre de mon bureau s’amuser à me
faire signe entre les branches des arbres dénudés de l’hiver.
Joueuse je lui ai offert un de ces moments de grâce, une envolée musicale, un
clair de lune de Debussy en écho,et comment mieux conjuguer ces instants où tout s’apaise
autour de vous, où la rencontre avec la musique devient magique, qu’en s’imprégnant
avant de tomber dans les bras de Morphée d’un peu de prose poétique.
Ces « Chemins et rencontres »
de Hofmannsthal , qui dépeignent si bien ces moments de grâce, le moi arraché au
rythme du quotidien et plongé dans un état magique qui ne doit rien à la
volonté. Il y a du divin dans ces instants
"Il est certain que nous ne sommes pas simplement poussés en avant des
méandres de notre
chemin par nos simples actions mais que nous sommes attirés
par quelque chose qui semble
toujours
nous attendre quelque part et reste toujours caché.
Il y a , dans notre marche
en avant, quelque chose du désir amoureux, de la curiosité de l’amour,
même
quand nous recherchons la solitude de la
forêt ou le calme des sommets ou une plage vide
sur laquelle vient s’échouer la
frange argentée d’une mer bruissante.
Il y a quelque chose de très doux dans toute rencontre solitaire, même s'il ne s'agit que de
la rencontre avec un grand arbre isolé ou un animal de la forêt, qui sans bruit s'arrête et nous
fixe dans l'obscurité.
Je crois que la vraie pantomime érotique,dans ce qu'elle a de décisif, ce n'est pas l'étreinte
mais la rencontre. À aucun autre moment le sensuel n'est aussi chargé d'âme et la part d'âme aussi
sensuelle que dans la rencontre. Tout est alors possible, tout est en mouvement, tout est dissous.
Il y a là une attirance réciproque, vierge encore de convoitise,mélange naïf de confiance et de crainte.
Il y a là quelque chose de la biche, de l'oiseau, sombre animalité, pureté angélique, présence du divin…
…Ce quelque part, cet incertain pourtant animé par la force du désir…
…La rencontre promet davantage que ne peut tenir l’étreinte.
On dirait, si je peux m’exprimer ainsi, qu’elle ressortit à un ordre supérieur
des choses,
cet ordre qui fait se mouvoir les
étoiles et féconde les pensées..."
(Rivage poche/petite bibliothèque 396 page 42)
Lecture d’une nuit d’hiver…au clair de lune !