Ne
pas se séparer du monde. On ne rate pas sa vie lorsqu'on la met dans la
lumière.
Tout mon effort, dans toutes les positions, les malheurs, les
désillusions,
c'est de retrouver les contacts.
Et même dans cette
tristesse en moi quel désir d'aimer
et quelle ivresse à la seule vue
d'une colline dans l'air du soir.
Contacts avec le vrai, la nature
d'abord, et puis l'art de ceux qui ont compris,
et mon art si j'en suis
capable.
Sinon, la lumière et l'eau et l'ivresse sont encore devant moi,
et les lèvres humides du désir.
Désespoir souriant.
Sans issue,
mais exerçant sans cesse une domination qu'on sait vaine.
L'essentiel:
ne pas se perdre, et ne pas perdre ce qui, de soi, dort dans le monde.
Albert Camus, Carnets
Mai 1935-février 1942
Nicolas de Staël, Genrilly 1952
huile sur carton 38x55
(Sotheby's)