22 septembre 1984
L"'hymne français retentit devant un parterre d'invités, de journalistes, de témoins. Kohl se tourne
alors vers Mitterand, dont la main se détache déjà légèrement avant de rencontrer celle du chancellier allemand- quelques instants qui deviendront immortels et qui constitueront, dans les livres d'histoire,
le symbole de la réconciliation entre les Français et les Allemands.
J'ai toujours été frappé par le talent de certains hommes politiques pour fabriquer des images historiques. Mitterand a affirmé que le geste avait été spontané: ce n'était en rien un calcul politique.
"Nous n'en avions pas parlé le moins du monde. Mais, nous trouvant debout devant le cercueil, instinctivement, je me souviens, je me suis tourné vers lui, je lui ai tendu la main. Sa main est venue en même temps."
Ce jour-là La Marseillaise était purement instrumentale. Ainsi on ne pouvait pas entendre:
"Qu'un sang impur abreuve nos sillons..." Non. Il n'y avait que les cordes et les cuivres pour interpréter l'hymne français.
Je me demande ce qu'en auraient pensé tous les morts, s'ils avaient pu voir cette main tendue. Leur sacrifice ne leur serait-il pas apparu comme une absurdité supplémentaire ?
Et pourquoi, au moment où les obus tombaient sur Verdun dans une pluie de cauchemar, personne n'avait pensé à tendre la main ?
Mais est-ce que cette cérémonie les concerne vraiment ? N'est-elle pas uniquement destinée aux vivants ? Qunad on regarde ces images, en tout cas, ce n'est pas vraiment à ces morts-là que nous pensons, mais à ceux de la Seconde Guerre mondiale, qui sont juste derrière nous et dont,en 1984, on entend encore les plaintes douloureuses.
Mitterand prend la main au moment précis où Kohl voulait prendre celle de Mitterand, et c'est une façon d'affirmer à toute l'Europe:" Maintenant, le couple franco-allemand est un couple solide. Il n'y aura pas d'infidélité. C'est pour la vie. Il y a eu pire, il y aura désormais le meilleur.
Plus rien ne pourra les désunir. Car ils s'aiment."
Florian Zeller, "La jouissance"
p 49/50 Gallimard
Se souvenir il y a 50 ans naissait l'amitié franco-allemande ...
En 1963,
Adenauer et de Gaulle avaient fait le pari que la jeunesse serait la
plus à même de se libérer des séquelles du passé...
Barbara