Edward Hopper, compartiment C,voiture 193, 1938
huile sur toile 50,8 x 45,7
Armonk, New York, collection IBM Corporation
Au moment où j’écris il fait au dehors, zéro degré, moi qui ne rêve que de soleil brûlant, ne vous étonnez pas si mon récit débute par ces trois mots :
J’ai froid…
Ces trois mots résonnent dans sa tête et les images reviennent, celle d’un passé lointain mais si présent dans l’instant.
Ce retour d’un voyage en Egypte, le premier qu’elle fit dans ce pays, ce rêve qu’elle avait caressé depuis la sixième, elle qui voulait devenir archéologue.
C’était un mois d’avril, son premier voyage lointain, seule, elle avait besoin de se retrouver, de savoir qui elle était vraiment.
L’image de sa trentaine triomphante, de ses responsabilités dans son travail avaient faussé son jugement, elle se sentait mal à l’aise, ne retrouvait pas celle qu’elle aimait être. Trop sérieuse, trop, tout de trop, jusqu’à cette sensation de malaise quand on ne conduit plus sa vie comme on aimerait.
Elle venait de passer douze jours à la découverte de ce pays et d’Elle .
Avait-elle été à la hauteur de ses ambitions ?
Elle ne le saura que bien plus tard quand à défaut d’être archéologue elle choisit de sonder les profondeurs de son âme en creusant jusqu’aux racines.
J’ai froid…
Ces mots elle les prononça dans le train qui de Paris la ramena chez elle, un train de nuit.
Aventure étrange, ce compartiment où elle se trouva seule pour un cours instant, le temps que la rejoigne un autre voyageur, qui comme elle avait réservé sa place.
Dans l’étroitesse de ce lieu, ils firent connaissance, se trouvèrent des relations communes, lui rentrait d’un voyage d’affaires dans les Emirats et descendait à Troyes.
J’ai froid…
Il retira sa veste lui mit sur les épaules, s’assit à côté d’elle et chercha à l’embrasser.
Elle tremblait, mais était-ce de froid, elle n’en était plus si sûre.
Elle se souvient de ses mains chaudes dans les siennes…
Ils ne se sont pas rendu compte du temps qui passe, voilà que brusquement le train entra en gare, impossible pour lui de quitter le wagon, la porte communiquant avec l’extérieur étant fermée. Il dut sortir par la fenêtre, elle lui passa ses bagages, ils se sourirent et ne se revirent jamais.
Ils n’avaient échangé ni prénom, ni adresse.
J’ai froid …
Souvent elle pense à cette histoire quand elle prononce ces mots.
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