Yves Klein “Les violons” lithographie
Les femmes aux yeux noirs ont le regard bleu.
Bleue est la couleur du regard, du dedans de l’âme et de la pensée, de l’attente, de la rêverie et du sommeil.
Il nous plaît de confondre toutes les couleurs en une.
Avec le vent, la mer, la neige, le rose très doux des peaux, le rouge à lèvres des rires,
les cernes blancs de l’insomnie autour du vert des yeux, et les dorures fanées des feuilles qui s’écaillent, nous fabriquons du bleu.
Nous rêvons d’une terre bleue, d’une terre de couleur ronde,
neuve comme au premier jour, et courbe ainsi qu’un corps de femme.
Nous nous accoutumons à n’y point voir clair dans l’infini, et patientons longtemps au bord de l’invisible. Nous convertissons en musique les discordances de notre vie.
Ce bleu qui nous enduit le coeur nous délivre de notre condition claudicante.
Aux heures de chagrin, nous le répandons comme un baume sur notre finitude.
C’est pourquoi nous aimons le son du violoncelle et les soirées d’été : ce qui nous berce et nous endort.
Le jour venu, l’illusion de l’amour nous fermera les yeux.
Jean-Michel Maulpoix,
Histoire de bleu, suivi de L’instinct de ciel,
Poésies / Gallimard