"26 janvier.
Nous appartenions à un monde de morts et de larves. La dernière trace de civilisation avait disparu autour de nous et en nous. L'oeuvre entreprise par les Allemands triomphants avait été porté à terme par les Allemands vaincus: ils avaient bel et bien fait de nous des bêtes.
Celui qui tue est un homme, celui qui commet ou subit une injustice est un homme. Mais celui qui se laisse aller au point de partager son lit avec un cadavre, celui-là n'est pas un homme[...]
Le sentiment de notre existence dépend pour une bonne part du regard que les autres portent sur nous: aussi peut-on qualifier de non humaine l'expérience de qui a vécu des jours où l'homme a été un objet aux yeux de l'homme.[...]
[...]Aujourd'hui je pense que le seul fait qu'un Auschwitz ait pu exister devrait interdire à quiconque, de nos jours, de prononcer le mot Providence: mais il est certain qu'alors le souvenir des secours bibliques intervenus dans les pires moments d'adversité passa comme un souffle dans les esprits.[...]
Primo Levi, in "Si c'est un homme"
27 janvier 1945 l'aube de la fin d'un long cauchemar