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Comme à son habitude dès les premières lueurs de l’aube,fenêtre grande ouverte,
elle laisse pénétrer doucement la lumière et les premiers rayons qui viennent se poser sur elle comme une caresse.
Elle a cette chance, la position du lit dans la chambre permet cela.
Elle aime ce moment où tout doucement la vie reprend son cours laissant derrière elle les rêves et les cauchemars de la nuit.
Mais aujourd’hui est un jour particulier, sa valise est prête, elle lit les dernières notes consignées dans son cahier, tous les moments forts et difficiles de ces derniers jours.
Sa décision est prise de prendre soin d’elle pour pouvoir continuer le rôle qu’elle a accepté.
Cette décision n’a pas été sans douleurs, sans larmes, sans culpabilité, mais dans sa fragilité apparente elle a trouvé les ressources nécessaires en elle.
Pour cela elle s’est fait accompagner, elle connaît le pouvoir des mots et le besoin de les dire pour les entendre se dire, elle sait qu’elle seule est maître de ses choix.
Elle referme le cahier, s’allonge et se rendort, prête pour de nouveaux rêves.
Photo de Richard Tuschman
inspirée de la peinture de Hopper
Comme à son habitude dès les premières lueurs de l’aube,fenêtre grande ouverte,
elle laisse pénétrer doucement la lumière et les premiers rayons qui viennent se poser sur elle comme une caresse.
Elle a cette chance, la position du lit dans la chambre permet cela.
Elle aime ce moment où tout doucement la vie reprend son cours laissant derrière elle les rêves et les cauchemars de la nuit.
Mais aujourd’hui est un jour particulier, sa valise est prête, elle lit les dernières notes consignées dans son cahier, tous les moments forts et difficiles de ces derniers jours.
Sa décision est prise de prendre soin d’elle pour pouvoir continuer le rôle qu’elle a accepté.
Cette décision n’a pas été sans douleurs, sans larmes, sans culpabilité, mais dans sa fragilité apparente elle a trouvé les ressources nécessaires en elle.
Pour cela elle s’est fait accompagner, elle connaît le pouvoir des mots et le besoin de les dire pour les entendre se dire, elle sait qu’elle seule est maître de ses choix.
Elle referme le cahier, s’allonge et se rendort, prête pour de nouveaux rêves.
Photo de Richard Tuschman
inspirée de la peinture de Hopper
Félix Vallotton ,1908
Enlèvement d'Europe
J’ai relu, actualité oblige, Paul Valéry qui parle de L’Europe
lors d’une conférence donnée à l’Université de Zurich le 15 novembre 1922.
"L’orage vient de finir, et cependant nous sommes inquiets, anxieux, comme si l’orage allait éclater. Presque toutes les choses humaines demeurent dans une terrible incertitude. Nous considérons ce qui a disparu, nous sommes presque détruits par ce qui est détruit ; nous ne savons pas ce qui va naître, et nous pouvons raisonnablement le craindre. Nous espérons vaguement, nous redoutons précisément ; nos craintes sont infiniment plus précises que nos espérances ; nous confessons que la douceur de vivre est derrière nous, que l’abondance est derrière nous, mais le doute et le désarroi avec nous. Il n’y a pas de tête pensante si sagace, si instruite qu’on la suppose, qui puisse se flatter de dominer ce malaise, d’échapper à cette impression de ténèbres, de mesurer la durée probable de cette période de troubles dans les échanges vitaux de l’humanité…
…Je veux dire que l’homme est incessamment et nécessairement opposé à ce qui est par le souci de
ce qui n’est pas ! et qu’il enfante laborieusement, ou bien par génie, ce qu’il faut pour donner à ses rêves la puissance et la précision mêmes de la réalité, et, d’autre part, pour imposer cette réalité des altérations croissantes qui la rapprochent de ses rêves….
…L’Europe se précipite hors d’elle-même ; elle part à la conquête des terres. La civilisation renouvelle les invasions primitives dont elle inverse le mouvement. L’Europe, sur son propre sol, atteint le maximum de vie, de la fécondité intellectuelle, de la richesse et de l’ambition.
Cette Europe triomphante qui est née de l’échange de toutes choses spirituelles et matérielles, de la coopération volontaire et involontaire des races, de la concurrence des religions, des systèmes, des intérêts, sur un territoire très limité, m’apparaît comme un marché où toutes bonnes choses et précieuses sont apportées, comparées, discutées et changent de mains.
C’est une Bourse où les doctrines, les idées, les découvertes, les dogmes les plus divers, sont mobilisés, sont cotés, montent, descendent, sont l’objet des critiques les plus impitoyables et les engouements les plus aveugles….
Notre Europe, qui commence par un marché méditerranéen, devient ainsi une vaste usine ; usine au sens propre, machine à transformations,mais encore usine intellectuelle incomparable…
…Enfin, cette Europe peu à peu se construit comme une ville gigantesque.
Elle a ses musées, ses jardins, ses ateliers, ses laboratoires, ses salons…
...Elle est assez petite pour être parcourue en un temps très court, qui deviendra bientôt insignifiant. Elle est assez grande pour contenir tous les climats ; assez diverse pour présenter les cultures et les terrains les plus variés.
Au point de vue physique, c’est un chef-d’œuvre de tempérament et de rapprochement des conditions favorables à l’homme.
Et l’homme y est devenu l’Européen…"
Paul Valéry, in Variété I
*La crise de l’esprit
Folio essais 327
Félix Vallotton ,1908
Enlèvement d'Europe
J’ai relu, actualité oblige, Paul Valéry qui parle de L’Europe
lors d’une conférence donnée à l’Université de Zurich le 15 novembre 1922.
"L’orage vient de finir, et cependant nous sommes inquiets, anxieux, comme si l’orage allait éclater. Presque toutes les choses humaines demeurent dans une terrible incertitude. Nous considérons ce qui a disparu, nous sommes presque détruits par ce qui est détruit ; nous ne savons pas ce qui va naître, et nous pouvons raisonnablement le craindre. Nous espérons vaguement, nous redoutons précisément ; nos craintes sont infiniment plus précises que nos espérances ; nous confessons que la douceur de vivre est derrière nous, que l’abondance est derrière nous, mais le doute et le désarroi avec nous. Il n’y a pas de tête pensante si sagace, si instruite qu’on la suppose, qui puisse se flatter de dominer ce malaise, d’échapper à cette impression de ténèbres, de mesurer la durée probable de cette période de troubles dans les échanges vitaux de l’humanité…
…Je veux dire que l’homme est incessamment et nécessairement opposé à ce qui est par le souci de
ce qui n’est pas ! et qu’il enfante laborieusement, ou bien par génie, ce qu’il faut pour donner à ses rêves la puissance et la précision mêmes de la réalité, et, d’autre part, pour imposer cette réalité des altérations croissantes qui la rapprochent de ses rêves….
…L’Europe se précipite hors d’elle-même ; elle part à la conquête des terres. La civilisation renouvelle les invasions primitives dont elle inverse le mouvement. L’Europe, sur son propre sol, atteint le maximum de vie, de la fécondité intellectuelle, de la richesse et de l’ambition.
Cette Europe triomphante qui est née de l’échange de toutes choses spirituelles et matérielles, de la coopération volontaire et involontaire des races, de la concurrence des religions, des systèmes, des intérêts, sur un territoire très limité, m’apparaît comme un marché où toutes bonnes choses et précieuses sont apportées, comparées, discutées et changent de mains.
C’est une Bourse où les doctrines, les idées, les découvertes, les dogmes les plus divers, sont mobilisés, sont cotés, montent, descendent, sont l’objet des critiques les plus impitoyables et les engouements les plus aveugles….
Notre Europe, qui commence par un marché méditerranéen, devient ainsi une vaste usine ; usine au sens propre, machine à transformations,mais encore usine intellectuelle incomparable…
…Enfin, cette Europe peu à peu se construit comme une ville gigantesque.
Elle a ses musées, ses jardins, ses ateliers, ses laboratoires, ses salons…
...Elle est assez petite pour être parcourue en un temps très court, qui deviendra bientôt insignifiant. Elle est assez grande pour contenir tous les climats ; assez diverse pour présenter les cultures et les terrains les plus variés.
Au point de vue physique, c’est un chef-d’œuvre de tempérament et de rapprochement des conditions favorables à l’homme.
Et l’homme y est devenu l’Européen…"
Paul Valéry, in Variété I
*La crise de l’esprit
Folio essais 327
"J'aimerai toujours le temps des cerises
Et le souvenir que je garde au coeur"
Jean-Baptiste Clément (1836 - 1903)
photo : cerises du jardin